NOC : Retours d’expérience (parties 2 et 3)

La Rôlisterie
12 min readFeb 27, 2021
NOC : le jeu de rôle occulte dystopique

Ce billet fait suite à nos premières impressions sur la partie 1 du kit.

Niveau de pratique du JDR : Plus ou moins régulier depuis plus de 10 ans
Jeux préférés : La méthode du Docteur Chestel, Z-Corps, Star Wars: Edge of the Empire

Après 14 séances très denses et animées, nous sommes venus à bout de ce kit d’initiation de 3 chapitres ! Ayant déjà fait un retour sur la première partie, je vais donc ici me concentrer sur la suite du kit et finirai avec une vue d’ensemble de ce qui est proposé.

Encore une fois, le kit est très fourni en ajoutant les parties 2 et 3 proposées gratuitement en juin 2020. J’attendais avec impatience la variation de ton promise dans cette suite et je n’ai pas été déçu. On continue avec encore un peu de jeu de piste au début de la partie 2, mais très vite il va falloir jouer de filouterie et de négociation pour avancer. Après ça, c’est un tout autre pan de l’univers qui nous est présenté avec l’extérieur des villes, des blocs et même au-delà.

Le scénario était plus fluide et laissait plus de place à l’adaptation pour le meneur afin de pouvoir orienter ses joueurs dans le sens qu’ils préfèrent. J’ai vraiment beaucoup aimé ces éléments ajoutés sur la vie des villages, la vision de ceux qui ne vivent pas aux pieds des ministères et les choses à craindre dont les villes se protègent.

J’avoue avoir repris les règles pour les combats (afin de ne faire qu’un jet d’opposition modulé par un modificateur selon la posture à l’appréciation du meneur, des dégâts fixes selon les armes et le degré de réussite du jet d’opposition), mais cela a permis de plus concentrer mon récit sur ce qu’il y avait autour des combats et de limiter la montée de menace qui était vraiment trop importante à chaque combat (je suis un meneur assez gentil).

Je regrette juste après coup de ne pas avoir trouvé d’autres moments où les héros auraient pu apercevoir Dagmara, car il s’agit d’un adversaire qui mériterait d’être plus affiché, même si elle a beaucoup agi dans l’ombre.

Il y a quelques éléments qui m’ont étonné en tant que meneur dans ces kits, mais ce n’est qu’anecdotique (notamment des réactions attendues des joueurs dans le scénario qui ne me semblaient pas forcément automatiques, comme la possibilité de vouloir affronter l’inconnue et le danger absolue après Strukov, ou bien l’utilisation de la clé par exemple). Mais j’ai été dans l’ensemble vraiment très satisfait de tout ce qui avait été proposé pour un kit fourni gratuitement et tous les détails et indications permettant de guider l’avancée de la narration pour ne pas perdre le MJ.
C’est une bien belle expérience pour découvrir ce jeu.

Pour conclure, il s’agit d’une histoire très bien détaillée dans un univers accrocheur avec ce qu’il faut de frustration dans les mystères non révélés pour avoir envie de tout découvrir dans le livre de base.

Je reste donc sur mon avis de coup de cœur pour ce jeu actuellement.

Niveau de pratique du JDR : Débutant

On a fait les comptes : 40h de jeu, rien qu’avec le kit d’initiation. Et je suis aussi emballée par NOC qu’aux premières heures.

Avec un peu de recul, une des choses que je préfère c’est l’évolution des différents styles de jeux qu’il a fallu enchaîner pour survivre. A chaque avancée dans l’aventure, nous ajoutions une corde à notre arc, il fallait organiser une évasion de prison, mener une révolte ouvrière, faire des mondanités, espionner, parcourir des marais, déjouer les plans d’une… secte ? de morts vivants ?

L’autre ingrédient de Noc qui fonctionne sur moi, c’est le mystère. Comme si j’attendais la fin d’une saga. J’ai envie de percer les secrets du grand Artefakt, de comprendre et déjouer les plans du Diktat, de redécouvrir l’histoire cachée des dernières décennies de l’humanité… et peut-être avoir plus de 45s de discussion avec la Réponse que nous poursuivions depuis Orlova.

Il y a peut-être eu des longueurs sur certaines parties, quand nous hésitions sur la marche à suivre. Mais il me semble que c’est un petit prix à payer pour avoir la liberté de faire tout ce que nous voulions et pour fonctionner en équipe. Tout semblait possible et j’ai beaucoup aimé que les personnages dépendent autant les uns des autres pour progresser dans cet univers — surtout avec les compétences et les actions qui permettaient d’aider / soigner / etc. les autres joueurs. De longues pistes menaient parfois à des pièges mortels et il fallait se dire « non, je ne vais pas déclencher cet engin autodestructeur pour la simple satisfaction d’utiliser la clé que j’ai trouvé il y a 10h ». Bien sûr, on le déclenchait quand même, mais on aurait pu dire non !

Et si comme moi, vous avez le besoin presque pathologique de connaître la fin d’un récit, vous aurez beaucoup de frustration à jouer à NOC. Je ne suis pas sûre qu’il y ait une fin à cette histoire. Mais j’aime tellement explorer l’univers de NOC que je pourrais bien faire l’impasse dessus pour une fois.

Niveau de pratique du JDR : Explorateur régulier
Jeux préférés : Jeux propulsés par l’apocalypse (PBTA)

La fin de la première partie du scénario de kit de découverte nous avait montré un aperçu d’un changement de type de jeu. Les parties deux et trois ne m’ont pas déçu ! On quitte doucement un scénario à enquête pour se diriger vers de l’exploration, de l’aventure et enfin sauter les deux pieds dans l’horreur fantastique.

On ressent à travers ce kit l’envie des créateurs de proposer une démo de leur univers qui se veut pouvoir être le théâtre de styles de jeux très variés.

Enquête et infiltration. C’est le style de jeu avec lequel j’ai, en général, le moins d’affinité. J’ai tout de même énormément apprécié l’immersion au sein de la machine administrative qui m’a permis d’expérimenter de nouvelles sensations de jeux où faire tamponner le bon formulaire à temps devient une question de vie ou de mort.

Exploration et aventure. C’est le style que nous avons le moins approfondi. On sent le potentiel énorme à la Mad Max des marais. La sensation d’être perdu au milieu d’une immensité inconnue et dangereuse m’a donné envie d’en découvrir plus sur les conditions de vie à l’extérieur du bloc, mais je suis resté sur ma faim.

Horreur et fantastique. C’est ce que j’attendais avec le plus d’impatience ! Depuis l’apparition du premier Autre, Jana n’avait alors qu’une obsession : en apprendre plus sur la nature de l’Artefact et ses secrets. Et elle n’a pas été déçue ! Mais les réponses obtenues ont amené encore plus de questions. J’ai très envie de continuer le jeu pour voir ce que NOC nous cache encore.

Le fait de changer de style tout au long du scénario était quelque chose d’intéressant en termes d’expérience de jeu. Avoir galéré pendant de nombreuses sessions dans des intrigues très “quotidiennes”, du moins ancrées dans un certain réalisme m’a permis de réellement ressentir le surnaturel s’immiscer et bouleverser les croyances et certitudes de Jana. Dans un jeu d’entrée, horrifique, même si on essaie de prendre en compte cela pour interpréter notre personnage, l’effet n’est vraiment pas le même. J’ai senti mon personnage se construire en première partie dans une certaine direction pour finalement évoluer au fil de l’aventure en réaction aux changements profonds de son quotidien.

Concernant le système. Avec maintenant plus de recul, je maintiens que j’aime beaucoup le principe de mises, mais j’y ajouterais quelques reproches :

  • l’usage des points de vécu est très dur à justifier en terme de roleplay, au point que je n’y ai presque jamais eu recours,
  • la jauge de Menace/Fiel m’a semblé 95% du temps complètement inoffensive, le repos et les points de singularité nous protégeant bien trop efficacement ; et d’un coup s’est mise à monter trop vite et trop haut pendant les combats ou la scène d’action finale ; peut-être que cela pourrait être équilibré en rendant la récupération plus difficile, mais aussi dans l’autre sens, favoriser des bonus plus importants lors des “burst” d’action,
  • le lien entre fiel, menace et “tenter le destin” des PJ mériterait une explication diégétique pour ne pas être qu’un exercice comptable, peut-être expliquer que les PJ sont capables d’influencer le fiel pour influencer leurs capacités ou leur environnement, mais peut-être qu’il s’agit déjà d’un secret gardé par les créateurs…

En conclusion, ce kit d’initiation remplit très bien son rôle de démo et de teaser. Il ouvre une porte assez grande pour montrer le potentiel du jeu, mais nous cache assez pour me donner envie de jouer au contenu complet. L’univers semble assez riche pour accueillir des styles de jeu variés. Le système assez fluide pour ne pas empiéter sur la narration, et bien pensé pour maintenir une pression constante et permettre des coups d’éclats retentissants. Bien qu’il pourrait bénéficier d’un équilibrage et d’une explication diégétique. C’est un contenu généreux pour un kit gratuit et de grande qualité mené par un MJ qui a su s’approprier et nous retransmettre l’univers avec intensité. Il s’est senti assez inspiré pour le développer et l’enrichir à sa façon. C’est peut-être la plus grande qualité qu’on pourrait attendre d’un jeu de rôle.

Niveau de pratique du JDR : Débutant
Jeux préférés : Pathfinder, Star Wars : Aux confins de l’Empire

Pour un kit, quel kit ! moi qui m’attendais à deux-trois éléments structurant une quête de mise en bouche, quelle étrange sensation de se retrouver propulsé dans un monde complexe qui n’attend pas forcément la conséquence de nos actions pour connaître ses propres mutations…

Malgré le fait d’avoir pris la partie en cours de narration, qui plus est avec un personnage à l’origine PNJ, j’ai progressivement pris mes marques en dépit des sessions jouées en distanciel… Si l’univers m’a semblé dense et difficile à appréhender, j’ai préféré le vivre comme quelque chose d’inhérent à NOC, voire même stimulant quant à la poursuite de notre équipée. En notre sein, nous comptions des individus qui se distinguaient chacun de par leurs intérêts, leurs points forts ou leur loyauté ; bien que nous ayons nos spécialités, cela ne s’est jamais trop fait ressentir et favorisait d’autant plus l’immersion quand il s’agissait de réagir collectivement face à une situation.

Question péripéties justement, il y en aura eu pour tous les goûts : intrigues politico-administratives, règlements de compte, déviances technologiques… les nombreuses personnalités que nous jouions ont toutes connu un moment où leurs compétences et leur sensibilité étaient mises à contribution. De même, les différents rebondissements narratifs permettent une évolution et des personnalités et des dynamiques interrelationnelles. Restent les longueurs, inévitables selon moi quand on joue dans ces conditions avec quatre PJ dans un monde dont on ne mesure pas encore la profondeur et les mécanismes de jeu exacts. Très rapidement, j’ai compris que NOC était un JdR qui ne s’apprécie qu’au moyen-long terme, à force de régularité et d’investissement. Malgré les fiches et les réponses patientes du MJ, je regrette par exemple de ne pas avoir pris plus de notes au fil des parties afin de mieux répondre aux enjeux exigeants de nos déambulations…

Autre point important, le système de progression/récompense, que je ressens pour le moment assez peu. Cela ne me gêne pas forcément, puisque j’ai intégré le caractère impitoyable et mystérieux de cet univers, mais je me doute qu’arrivé un certain nombre de parties, on puisse se lasser de se faire bousculer encore et encore sans y comprendre grand-chose. Si l’on ajoute un grand nombre de compétences que l’on a du mal à s’approprier, il est facile de réfréner nos initiatives au risque de court-circuiter la bonne marche du récit.

NOC est prometteur, et incarner Igor restera une belle expérience. J’espère que d’autres MJ s’y essaieront, ne serait-ce que pour faire part de leurs retours et pistes d’amélioration à l’équipe de création qui pourra ainsi procéder aux rééquilibrages et précisions narratives nécessaires pour optimiser les sessions de jeu. Quoi qu’il advienne, ces créateurs de monde peuvent être fiers de ce qu’ils ont jusqu’ici accompli et proposé.

Niveau de pratique du JDR : Régulier, plus en tant que MJ qu’en tant que joueur
Jeux préférés : Call of Cthulhu, Dungeon World et autres PBTA

J’ai pris un peu le train en marche puisque j’ai remplacé un joueur qui ne souhaitait plus continuer ce scénario d’initiation à NOC, et malgré tout je dois dire que j’y ai pris un plaisir certain. J’ai beaucoup de reconnaissance pour les créateurs du jeu qui ont mis beaucoup de travail dans ce projet et qui m’ont permis de vivre quelques grands moments. Une expérience mémorable, donc, mais qui m’a aussi beaucoup fait réfléchir sur les univers et les scénarios de jdr. Curieusement, ce ne sont pas les indiscutables réussites des créateurs du jeu qui m’ont le plus donné matière à réflexion !

Je vais passer très vite sur mon expérience des séances elles-mêmes : ambiance très chaleureuse, plaisante, une bonne alchimie entre les participants, beaucoup de maitrise du côté du MJ qui a su nous intéresser à cet univers que nous ne connaissions pas.

Pour l’univers en lui-même, je dirais qu’il est très réussi. C’est la première fois que je joue dans un cadre dystopique, donc je ne peux pas comparer avec d’autres jeux, mais si je me base sur les oeuvres cinématographiques et littéraires que je connais, je trouve que les codes du genre sont bien restitués et réinvestis sous une forme ludique. L’ambiance oppressante qui en découle est très propice à toutes sortes de scènes haletantes et intenses.

Une des choses les plus réussies, je dirais que c’est la façon dont le jeu utilise son petit lexique (l’Administration, les différents ministères, le Diktat, l’Économat…) pour donner aux joueurs l’impression d’évoluer dans un monde totalitaire. On devient rapidement familier avec tous ces noms qui fleurent bon la purge stalinienne et 1984, ce qui aide beaucoup l’immersion.

Malgré tout, je me demande si les concepteurs de l’univers de NOC n’ont pas un peu pêché par excès. En multipliant les références à des genres voisins mais malgré tout difficiles à faire cohabiter harmonieusement, n’ont-ils pas pris le risque de donner l’impression à certains joueurs qu’ils se sont quelque peu perdus, qu’ils ont dispersé leur inspiration ?

Si je résume ce que j’ai compris du cadre de jeu, c’est une espèce de matryoshka de 4 univers emboîtés : on a d’abord des blocs dystopiques, puis un Extérieur post-apocalyptique, un artefact que je devine vaguement lovecraftien, au-delà duquel se trouve, peut-être, une menace extraterrestre de type horreur cosmique… Ça fait beaucoup. Je ne dis pas qu’il faut impérativement choisir un genre et s’y tenir, mais je regrette que cette imbrication d’univers puisse amener une certaine confusion pour les joueurs. Le principal problème est celui de la motivation : si mon personnage est né dans la première poupée dystopique, alors mes motivations ont des chances d’être de type politique, et je vais privilégier des compétences sociales et de discrétion plutôt que des compétences de combat (dans un univers dystopique, si vous vous battez, c’est que vous avez déjà perdu…). En passant dans la matryoshka suivante, mes motivations comme mes compétences risquent de devenir obsolètes : c’est difficile d’être à la fois Mad Max et Jean Moulin, pour caricaturer…

Pour donner un exemple, j’en arrive à mon expérience du scénario en lui-même. Je l’ai trouvé amusant, riche en aventure : un bon scénario. C’est même un scénario intelligent si l’objectif est de donner aux joueurs un avant-goût des possibilités offertes par l’univers de NOC. Le seul souci c’est qu’à plusieurs reprises il a fallu que je me demande “qu’est-ce que je fais là ?” “pourquoi je ferais ça ?”. Le plus difficile a été de quitter Orlova. La ville était décrite avec un tel luxe de détails, la situation sur place était tellement dramatique, tellement tendue, tellement en lien avec l’arrière plan militant de notre équipe que je ne voyais pas comment un faible réseau d’indices pouvait nous amener à tout laisser sur place.

Pour résumer ce que j’ai pensé de ce kit “La Réponse” : d’abord, je salue l’impressionnante quantité de travail investie dans un kit d’initiation gratuit. Quel sérieux, quelle générosité ! Ensuite, j’apprécie la richesse de l’inspiration qui sous-tend la création de cet univers effroyablement noir. C’est simple : en tant que MJ, je suis tenté d’imaginer des scénarios prenant NOC pour cadre. Enfin, je souligne le risque qui est le corollaire de cet univers dense et imbriqué : celui de faire passer les personnages au second plan.

Liens utiles

Rediffusion de notre partie
NOC : le jeu de rôle par Sethmes
La Rôlisterie
Resources pour NOC : Jouer Igor Bata et motivations liées à la cabale

--

--